L’échec en Afrique francophone : comment changer le regard et construire une culture entrepreneuriale de la résilience ?

L’échec en Afrique francophone : comment changer le regard et construire une culture entrepreneuriale de la résilience ?
Introduction Dans de nombreux pays africains francophones, l’échec reste perçu comme une honte. Dans la culture populaire, échouer signifie ne pas être à la hauteur. Pourtant, dans l’univers entrepreneurial, l’échec est une étape souvent nécessaire, voire précieuse. Comment changer les mentalités pour en faire un levier d’apprentissage, plutôt qu’un stigmate ?
Un tabou culturel encore présent Dans les familles, les écoles, les médias, peu de place est laissée à la valorisation de l’échec constructif. Il est souvent caché, minimisé ou maquillé. Cette perception renforce la peur de se lancer et la pression de réussir du premier coup, notamment chez les jeunes entrepreneurs. L’obsession de la réussite rapide crée une peur paralysante de l’erreur, qui bloque l’innovation et bride la créativité.
Dans de nombreux pays africains, l’éducation reste centrée sur la sanction de l’erreur. L’école valorise la conformité, pas l’expérimentation. Cette culture s’ancre dans l’inconscient collectif et se retrouve dans les trajectoires entrepreneuriales.
L’échec comme vecteur d’apprentissage Pourtant, l’histoire de l’innovation est remplie d’exemples d’échecs féconds. De nombreux entrepreneurs à succès racontent qu’ils ont connu 2, 3 voire 5 échecs avant de trouver la bonne formule. Ces expériences leur ont permis de mieux comprendre leur marché, d’ajuster leur modèle économique, de mûrir leur posture de leader, et de bâtir une équipe plus résiliente.
Au Nigeria, au Maroc, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, plusieurs success stories récentes ont démarré après une première tentative avortée. Les fondateurs de startups comme Paystack, Djamo ou InTouch n’ont pas connu un succès fulgurant dès le départ. Mais leur capacité à pivoter, à apprendre et à se relever a fait toute la différence.
Changer le récit : les initiatives qui brisent le tabou
- La FailCon (Failure Conference), organisée à Dakar ou Abidjan, est un espace où les entrepreneurs viennent partager leurs échecs publiquement, dans une ambiance bienveillante et pédagogique.
- Certains incubateurs comme Impact Hub, Jokkolabs ou Orange Corners encouragent leurs membres à documenter les erreurs pour en faire des outils d’apprentissage collectif.
- Des programmes de mentorat intègrent aujourd’hui des témoignages d’échecs comme sources de résilience et d’inspiration.
Dans les médias aussi, des figures emblématiques comme Magatte Wade, Mamadou Touré ou Fatoumata Ba n’hésitent plus à parler ouvertement de leurs erreurs passées.
Vers une pédagogie de la résilience Pour ancrer cette nouvelle vision, il faut aller plus loin. Voici quelques pistes structurantes :
- Repenser l’éducation : intégrer dans les cursus scolaires et universitaires des modules sur la gestion de l’échec, le droit à l’erreur, la méthode Lean Startup, le feedback, le rebond.
- Former les accompagnateurs : coachs, mentors, banquiers, investisseurs doivent eux aussi adopter une posture qui valorise les leçons tirées de l’échec.
- Créer des dispositifs publics tolérants à l’échec : réintégration dans les programmes après un premier projet non abouti, accès à un deuxième financement après une liquidation bien gérée, etc.
L’impact économique d’une culture qui accepte l’échec Dans les pays où l’échec est mieux perçu (États-Unis, Israël, Estonie…), les entrepreneurs prennent plus de risques, innovent davantage, et créent plus d’emplois. En Afrique francophone, libérer cette énergie pourrait accélérer l’émergence d’un tissu entrepreneurial plus dense et plus audacieux.
Une étude menée en 2021 par la Banque Africaine de Développement montre que près de 75% des jeunes entrepreneurs interrogés ont peur de l’échec, et que cela constitue l’un des trois premiers freins à la création d’entreprise.
Conclusion Changer le regard sur l’échec, c’est faire sauter un verrou culturel majeur. C’est ouvrir l’espace à une génération d’entrepreneurs plus authentiques, plus audacieux, et plus aptes à innover. Valoriser l’échec comme étape normale du parcours entrepreneurial est l’un des leviers les plus puissants pour construire une Afrique économique résiliente, inclusive et tournée vers l’avenir. Changer le regard sur l’échec, c’est aussi créer les conditions d’une Afrique entrepreneuriale plus forte, plus sincère, et plus audacieuse.